Conseils créatifs

Créer sans but

Souvent, nous attendons d’avoir un projet bien ficelé pour commencer à créer. Vous savez, cette peinture que vous avez en tête depuis plusieurs mois qui a été croquée puis dessinée avant que vous ne vous soyez vraiment autorisé à prendre enfin votre pinceau en main ? Cette peinture qui a vocation de devenir une œuvre d’art et d’être, un jour, exposée, montrée au monde. Cette peinture qui revêt une importance capitale dans votre vie, qui vous donne un élan particulier et vous pousse à remplir objectifs après objectifs pour la produire ? Je suis certaine que vous voyez très bien ce que je veux dire car si vous ouvrez vos tiroirs physiques, mentaux ou virtuels, je suis sûre que, comme pour moi, vous trouverez des dizaines de projets de ce genre.

Qui n’a jamais pensé « j’ai commencé ce projet, je me dois de le finir » alors que l’envie, la motivation et même l’inspiration n’étaient pas présentes ? Qui ne s’est jamais fustigé, n’a jamais culpabilisé de ne pas remplir ses objectifs créatifs ? Pour les artistes, c’est notamment une difficulté permanente car nous avons évolué avec l’idée selon laquelle si tu fais un métier d’art, comme c’est ta passion, travailler est un bonheur absolu et illimité, alors que ce n’est pas toujours le cas… Mais j’y reviendrai dans un prochain article (n’hésitez pas à me dire si ce sujet vous intéresse).

Et si nous n’avions pas besoin de buts ou d’objectifs ? Dans notre société sur-productive, il est parfois difficile d’imaginer que nos actes ne puissent avoir de finalité. L’être humain a besoin de sens et moi, la première ! Lorsque je me lance dans l’écriture ou que je fais une œuvre manuelle, j’ai du mal à ne pas avoir en tête la création finale. Pourtant, quand nous étions enfant et que nous créions, avions-nous un but en tête ?

Et si nous essayions de créer sans but ?

Et si nous profitions de l’inspiration pure, sans structuration ? Juste un élan du cœur !

Je ne dis pas qu’il ne faut pas planifier les œuvres d’envergure qui demande un travail sur le long terme ou qu’il faut toujours se lancer tête baissée dans nos créations. Car, il est vrai que certaines d’entre-elles ne se prêtent pas au genre d’exercices que je vous propose.

Non, je parle plutôt d’idées et de créations qui nous sautent au visage et nous obligent à noter fébrilement des mots, des phrases, des symboles, des dessins sur le papier le plus proche. Comme des instants volés au Temps mais qui n’ont aucune vocation, qui resteront sur ce bout de papier ou à la page 47 de votre journal, à dormir paisiblement, sans émerger dans le monde.

Pour exemple, lors du premier confinement en France, en Avril 2020, le temps a semblé s’arrêter pour notre pays et beaucoup d’entreprises se sont retrouvées à tâtonner pour trouver de nouvelles façons de travailler, notamment celles pour lesquelles je travaillais à l’époque. Elles se sont mises à espacer nos échanges en attendant de trouver une nouvelle organisation. Durant cette période, j’ai eu donc moins de travail et me suis retrouvée avec un temps libre auquel je n’aurai jamais eu accès autrement. Et, comme beaucoup de français, j’ai passé beaucoup de ce temps à m’interroger sur ma façon de m’occuper mais aussi sur mes pratiques artistiques. J’ai la chance d’avoir un petit balcon et je profitais des heures entières du soleil et du calme ambiant pour me ressourcer et pour laisser mon esprit vagabonder.

Pour la première fois de ma vie, des vers poétiques me sont venus en tête, vers que j’ai couchés sur le papier et oubliés aussi sec. Je suis retombée dessus, il y a quelques jours, et je me suis seulement souvenue qu’au-delà de leur éventuelle lourdeur ou manque d’originalité, qu’au-delà de leur potentiel poétique ou artistique, ils m’avaient été nécessaires sur le moment. Nécessaires car venus d’une impulsion, d’un besoin fondamental d’extérioriser et, à peine étaient-ils jetés sur le papier, je les avais oubliés. Peut-être qu’un jour, je reprendrai ces vers pour un projet poétique, ou alors je ne les réutiliserai jamais mais là n’est pas le plus important.

Ce qui importe, c’est que j’avais créé pour créer. Comme lorsque vous griffonnez sur le bloc-notes à côté du téléphone pendant que vous papotez avec un ami. Comme lorsque vous dansez dans votre salle de bain en faisant le ménage. Comme lorsque j’étais petite et que je construisais des petites maisons en cartons pour utiliser mes mains, pour tester, pour expérimenter. Maison en cartons qui disparaissaient souvent après quelques jours (rangés ou mis de côté par une maman ne sachant plus quoi faire de toutes ces créations) sans que je ne m’en soucie ou ne m’en émeuve outre mesure. Car ce qui avait compté, ce n’était pas l’objet, l’œuvre en question, c’était d’avoir créé. Sans but. Juste pour le plaisir de créer.

Comme une œuvre éphémère qui ne vit qu’un temps, qui illumine le monde pour provoquer un sursaut, un élan, une émotion qui reste gravée au cœur mais ne peut plus vraiment se rappeler à nos yeux. Pour moi, créer sans but ou faire des œuvres éphémères, c’est être tout entier à sa joie, d’entrer en contact avec son âme d’enfant, son âme de créateur intérieur. Et presque, au fond, si on le fait pour nous sans le montrer au monde, partager un secret avec seulement…. Soi-même.

C’est un exercice libérateur qui permet aussi de faire travailler son imagination, de se prouver que nous avons une tonne de ressources en nous, qui peut aussi nous faire sortir d’un blocage créatif… Un exercice à contre-courant des injonctions sociales et artistiques qui nous donne des clés pour retrouver la joie de créer.

Je vous propose de le faire à votre tour. Prenez un stylo, un feutre, un pinceau, une fourchette, votre ordinateur ou mettez-vous simplement debout pour vous servir de votre corps et créer, sans vous poser de questions, sans remettre en doute ce que vous faîtes. Faites-vous ce cadeau et surtout… amusez-vous !

N’hésitez pas à revenir par ici pour me raconter ce qui est ressorti de cette expérience, je meurs d’envie de le découvrir !

Auteur

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