L’écriture automatique, la petite voix au fond de soi qui peut enfin s’exprimer
L’écriture automatique est une pratique très vaste avec tant de ramifications ! La plupart du temps, on l’assimile à la l’écriture automatique en littérature conceptualisée par André Breton, mais on peut aussi la retrouver en psychologie et en spiritualité. Je vous propose de vous faire un état des lieux de ces pratiques et de ses bénéfices sur la santé mentale, émotionnelle ainsi que sur la créativité.
L’écriture automatique en Littérature
L’écriture automatique est un procédé qui consiste à écrire au fil de sa voix intérieure, sans chercher à contrôler ses pensées, ni son style, le plus rapidement possible, instinctivement. Bien au contraire, il s’agit de laisser courir sa plume, sans interruption, faisant sortir de soi le flot des pensées. Ici, c’est l’inconscient qui se manifeste dans un total état de lâcher-prise et nous prouve que l’inspiration est inhérente à notre condition. C’est un abandon, entre rêve et réalité, proche d’un état hypnotique.
Pour en comprendre la réelle teneur pratique, je vous fais part de la très belle présentation d’André Breton dans son Manifeste du surréalisme (1924) :
« Faites-vous apporter de quoi écrire, après vous être établi en un lieu aussi favorable que possible à la concentration de votre esprit sur lui-même. Placez-vous dans l’état le plus passif, ou réceptif, que vous pourrez. Faites abstraction de votre génie, de vos talents et de ceux de tous les autres. Dites-vous bien que la littérature est un des plus tristes chemins qui mènent à tout. Écrivez vite sans sujet préconçu, assez vite pour ne pas retenir et ne pas être tenté de vous relire. La première phrase viendra toute seule, tant il est vrai qu’à chaque seconde il est une phrase étrangère à notre pensée consciente qui ne demande qu’à s’extérioriser. […] Continuez autant qu’il vous plaira. Fiez-vous au caractère inépuisable du murmure. »
Finalement, au-delà de l’aspect psychologique (du aux liens étroits qu’entretient le subconscient avec cette technique) que nous allons étudier plus loin, l’écriture automatique peut réellement servir de mode de création littéraire. Elle permet de s’émanciper du contrôle permanent de la raison, sans préoccupations esthétiques ou morales, sans souci de réelle cohérence que ce soit au niveau grammatical, orthographique ou du vocabulaire.
Pour vous donner un exemple concret, souvent, j’ai plein d’idées pour un projet et je ne sais pas par où commencer car j’ai une image en tête ou des mots, des concepts qui établissent des ponts entre eux, un trait de caractère d’un personnage qui m’accroche et tant d’autres choses mais tout cela arrive à une vitesse folle, si bien que j’en oublie la moitié.
C’est souvent lorsqu’on démarre un projet ou que l’on se sent assailli de tous les côtés (voire bloqué) à l’intérieur de sa tête sur le projet en question : il peut alors être nécessaire de se pencher sur l’écriture automatique pour avancer. Il suffit de saisir un crayon et une feuille, ou un carnet et de laisser sa main faire le travail. Alors toutes ces phrases et ces mots, ces sons et ces symboles, ces notions et idées se déposent sur le papier dans ce qui pourrait sembler être un gros bazar désorganisé. Alors que tout est plus clair en réalité : vous avez tout sorti de votre cerveau embrumé, vous avez établi des ponts entre toutes vos idées, et souvent, déjà créé ce qui pourrait être les prémices d’une œuvre.
Les surréalistes ne l’utilisaient pas forcément de la manière que je vous propose comme une sorte de brouillon débridé puisqu’ils écrivaient leurs poèmes d’un seul jet et qu’ils le gardaient en l’état. Les deux pratiques ne sont pas forcément discordantes : souvent dans ce côté brut de votre session d’écriture automatique, vous trouverez des pépites qui n’auront besoin d’aucun travail supplémentaire. Quelquefois même, votre session entière pourra être utilisée telle quelle. C’est un peu la magie du procédé qui nous révèle que nous avons toutes les capacités, toutes les questions et les réponses, en nous, certes enfouies mais ne demandant qu’à être extraites !
Il est intéressant de noter qu’il existe une analogie de l’écriture automatique littéraire en graphisme avec la technique « du frottage » inventée par Max Ernst en 1925 : elle consiste à laisser courir une mine de crayon à papier sur une feuille posée sur une surface quelconque (parquet ou autre texture), ce qui fait apparaître des figures plus ou moins imaginaires.
L’écriture automatique en Psychologie
Etant donné son lien étroit avec le subconscient, l’écriture automatique est souvent utilisée en psychologie. Pour ma part, c’est d’ailleurs une des pratiques que j’utilise le plus avant ou après un rendez-vous avec ma psychologue ou lorsque je n’arrive plus à faire le tri entre mes sentiments et mes pensées et que cela entrave mon bon fonctionnement. Car l’écriture automatique permet d’entrer profondément en soi et d’en approfondir sa connaissance.
Pierre Janet, philosophe, médecin et psychologue a théorisé cette forme d’écriture automatique, dans son ouvrage L’automatisme psychologique dès 1889, dont voici un extrait : « Je pose une question : « Quel âge avez-vous ? Dans quelle ville sommes-nous ici ?… etc. « et voici la main qui s’agite et écrit la réponse sur le papier, sans que, pendant ce temps, Léonie [une de ses patientes] se soit arrêtée de parler d’autres choses. » Le cerveau a la faculté de jouer sur plusieurs tableaux et d’égrener des informations sur plusieurs plans dont nous avons rarement conscience. L’écriture automatique aide donc à révéler ces nuances, de se renseigner sur sa nature profonde.
Pour résumer, en psychologie, l’écriture automatique est une méthode d’exploration pour comprendre, au-delà des actes manifestés de façon subconsciente, les images et les sensations que ceux-ci renferment. C’est un état entre le sommeil et le réveil, proche d’un état hypnotique où le sujet peut atteindre l’essence même de son subconscient. Une forme d’autohypnose partielle qui permet de comprendre plus facilement, plus rapidement et plus profondément une personne.
La pratiquer durant une conversation, comme présenté plus haut, est un exercice difficile. En revanche, le faire en conscience sur un sujet donné, typiquement un évènement de votre vie qui a pu être traumatisant et qui continue de vous travailler, est certes éprouvant émotionnellement mais peut avoir des résultats étonnants et qui permettent de guérir en profondeur votre psyché traumatisée ou obsessionnelle. Je précise tout de même que cette technique gagne à être pratiquée avec un professionnel et ne substitue en rien à une thérapie.
De plus, je pense que l’écriture automatique en psychologie ne peut que nourrir notre créativité : en examinant et en relisant les textes écrits après avoir pratiqués ces deux techniques (littéraire et psychologique), nous pouvons entrevoir quels sont les liens entre notre subconscient et notre art. Ai-je des thématiques récurrentes qui s’expliquent par des événements que j’ai pu vivre ? Y a-t-il des symboles qui me sont chers car ils transposent une émotion qui m’habite ? Suis-je allé au bout de cette notion ou reste-t-il des zones d’ombres que je n’ai pas explorées ? Tant de questions et de réponses qui peuvent surgir de l’écriture automatique psychologique et nous permettre de mieux appréhender notre « style » artistique et notre créativité !
L’écriture automatique en Spiritualité
Pour finir, et je ne m’attarderai pas tellement sur le sujet, l’écriture automatique s’exerce aussi dans les milieux spirituels et notamment chez les spirites qui considèrent qu’elle représente un moyen de communication avec des esprits désincarnés. Ils appellent cette méthode la « psychographie ». Il existe tout un cérémoniel pour cette pratique que je ne développerai pas ici, mais que vous pouvez retrouver assez facilement sur internet.
Que l’on y croit ou non, là n’est pas vraiment la question. Ce qui m’intéresse, en revanche, c’est l’idée d’une « voix qui parle à travers nous ». Que ce soit une voix intérieure que nous possédons tous ou une voix extérieure qui nous délivre un message. Je m’intéresse beaucoup à la psychogénéalogie (approche thérapeutique qui s’intéresse à nos origines, à la place que nous occupons dans notre famille, aux informations généalogiques et à la mémoire familiale afin de comprendre l’impact psychologique sur la descendance, d’événements douloureux qui se sont produits dans les générations précédentes) et aux vies antérieures et, souvent je m’interroge sur les messages mentaux ou émotionnels que nous avons l’impression de percevoir. Il a été prouvé que certaines informations que nous possédons nous seraient transmises cognitivement : mais du coup, je me demande, ces informations qui nous parviennent de façon subite, ne sont-elles pas le fruit d’un partage avec « une petite voix extérieure » à nous qui ferait tout de même partie de nous ?
Ce que je trouve intéressant dans cette pratique, c’est qu’elle nous permet de nous laisser aller à ressentir pleinement le moment présent et à en écrire des émotions profondes. Je ne pense pas que les spirites l’utilisent avec une vocation psychogénéalogique mais je trouvais intéressant de vous partager ma réflexion sur ce sujet : sommes-nous le canal d’énergie passée ? Et vous, qu’en pensez-vous ?
Avez-vous pratiqué une de ces écritures automatiques ? Qu’en avez-vous pensé ? Si vous avez des questions, n’hésitez pas à revenir vers moi, je me ferais un plaisir de vous répondre !